02/07/2010

Le monstre de la piscine

Par une fin de journée torride, d'un été qui pointe enfin le petit bout de son nez, le club des Dauphins Catalans a fait une petite sortie à la piscine de Banyuls-sur-Mer, jeudi soir.


Je vous sens hausser les sourcils : plongée piscine en été ? Que nenni ! La piscine est le nom du site de plongée situé à l'abri de l'île Grosse, à l'Est de la digue du port.


Il est presque 20h. La mise à l'eau se fait par un petit escalier qui descend de la jetée, à peu près au niveau du gros trait violet indiquant la réserve marine sur la carte ci-dessus. Des enrochements récents le long de la digue ne permettent plus de se mettre à l'eau en sécurité juste sous le laboratoire.

Les roches sont un peu glissantes, mais tout ce petit monde palmé parvient à se mettre à l'eau plus ou moins correctement, en faisant du toboggan sur les fesses ou sur le ventre...


Nous nous immergeons après nous être un peu éloignés du bord, en direction de l'Est.
Les tombants sont superbes.


Nous nous faufilons dans des failles étroites, les trous sont nombreux et nous allumons nos lampes, à la recherche des crustacés et des nudibranches.


Nous descendons lentement, et nous retrouvons sur un fond de moins de 10m quand apparaît une sorte de grosse cuve.


Qu'est-ce donc ? Aurions-nous par une faille spatio-temporelle abouti dans une carrière où l'on trouve toute sorte de détritus immergés pour satisfaire la curiosité des plongeurs ?
Il y a de nombreuses ouvertures, JR me fait le signe de la murène ; je m'approche...


La murène a disparu, laissant la place à sa copine la crevette timide qui pointe ses antennes à la recherche d'informations sur notre éventuelle belligérance.


Le mystère de cette cuve reste entier : que fait-elle là ? Est-ce un débris du sous-marin jaune des Beatles échoué en Catalogne ?

Le fond devient sableux, nous approchons des 15m ; des nids de poulpes creusés dans le sable et entourés de coquillages sont vides, leurs occupants doivent roder dans les parages...

C'est une ancienne zone de travaux, concernant la digue du port ou le laboratoire Arago (dont l'aquarium de Banyuls). Nous trouvons des objets étranges, comme ce bloc de béton semblant sortir d'un jeu de construction.


Plus loin c'est une canalisation, avec des sortes de sacs de ciments posés dessus comme pour boucher une fuite.


Ne serions-nous pas en train de longer un ancien émissaire ? Heureusement, je sais que la station d'épuration actuelle est située bien plus à l'Est, entre le Cap l'Abeille et le Cap du Troc, au droit de la réserve marine.

Soudain, en remontant un peu, sur -11m de profondeur, Geneviève aperçoit une forme fantomatique... J'entends encore en moi son cri d'angoisse répercuté à l'infini dans les eaux sombres de la piscine !


C'est le monstre de fer de la piscine !
Nous l'approchons prudemment, est-il simplement endormi ?


Son bras inerte repose sur le sable ; sa main est couchée sur le côté.
Il me rappelle un peu le robot géant du « Roi et l'oiseau », qui s'est arrêté de vivre après avoir détruit le château maudit et libéré de leur cage les oisillons emprisonnés.


Il a encore une fière allure, posé sur ses chenillettes, comme s'il allait repartir au son du mot magique qui le réveillera de son sommeil, tel une belle au bois dormant de ferraille. Oserai-je l'embrasser ?


Le monstre endormi est un havre de vie pour la faune de petite taille.
Nous nous rapprochons pour l'observer.


De nombreuses castagnoles ont investi le poste de commande, près d'une sorte de mât ou d'antenne.




Une petite rascasse s'est pelotonnée dans une couche d'algues. On aperçoit sa tête qui nous espionne mine de rien !


Des serpules se sont fixées sur le corps du monstre, tel un camouflage magnifique.


Partout les triptérygions, les castagnoles, les rascasses et les blennies jouent à cache-cache avec les plongeurs.

Par exemple, cette coquine de blennie...


Elle s'est cachée dans une huître, mais je patiente, et elle va bien sortir un peu car elle est curieuse...


La voilà, je vous l'avais prédit !
Maintenant certains de l'inoffensivité du monstre qui accueille des petites blennies, nous essayons de le réveiller ; JR, Daniel, Geneviève, on crie tous ensemble très fort ! En vain...



Nous finissons par nous éloigner, un peu déçus par ce monstre peut-être endormi à jamais.


Qui saura le réveiller, un jour ?

Nous reprenons le chemin du retour, dans une eau de plus en plus sombre, il est bientôt 20h.

Nous croisons un couple de tylodines jaunes en train de se câliner. Pardon pour le dérangement ! Je ne publierai que des clichés non compromettants !


La faune nocturne commence à sortir de ses cachettes secrètes à la faveur de l'obscurité naissante.
Les bernards l'ermite s'exercent au trapèze sur les gorgones blanches.


Celui-là semble perdu ; c'est dangereux de se promener seul dans la nuit, sans coquille pour carapace !


Nous rejoignons les roches de l'île Grosse, et entamons notre remontée tranquillement.


Peut-être le monstre de ferraille s'est-il réveillé lui-aussi à l'heure du crépuscule ?


Si un jour vous passez plonger à Banyuls, venez vous-aussi rendre visite au monstre de la piscine ; la légende raconte qu'on ne le retrouve jamais tout-à-fait dans la même position ni au même endroit (cela permet aux plongeurs de justifier qu'ils ne l'ont pas trouvé). J'aime bien croire aux légendes quand elles sont belles...